La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative complexe qui entraîne la détérioration de types spécifiques de neurones dans le cerveau, entraînant un certain nombre de symptômes moteurs et non moteurs. On estime actuellement que plus de 10 millions de personnes dans le monde vivent avec la maladie de Parkinson, la deuxième maladie neurodégénérative la plus répandue après la maladie d’Alzheimer. Ce nombre devrait atteindre 14 millions d’ici 2040, dans le cadre de ce que l’on appelle la pandémie de Parkinson.
L’un des événements clés de la maladie de Parkinson est l’accumulation d’une protéine appelée alpha-synucléine dans les neurones. Cette accumulation perturbe le fonctionnement normal des cellules, provoquant les symptômes de la maladie de Parkinson et d’autres troubles, et évolue vers des agrégats appelés corps de Lewy.
Dans une nouvelle étude, des chercheurs de deux laboratoires de l’EPFL ont combiné leurs expertises pour explorer comment l’alpha-synucléine perturbe les processus métaboliques au sein des neurones. L’étude est une véritable collaboration interdisciplinaire entre la plateforme Bertarelli de thérapie génique de Bernard Schneider et le groupe d’Anders Meibom de l’EPFL, avec le soutien du Core Facility de microscopie bioélectronique de l’EPFL.
Les chercheurs ont utilisé des techniques d’imagerie de pointe, notamment un instrument analytique appelé NanoSIMS (Nanoscale Secondaire Ion Mass Spectrometry). NanoSIMS est une « microsonde ionique » qui combine une haute résolution spatiale (50-150 nm), une spectrométrie de masse haute résolution et une sensibilité analytique élevée, ce qui lui permet de produire des cartes subcellulaires du renouvellement métabolique avec une sensibilité extrême. Le laboratoire de Meibom à l’EPFL a utilisé NanoSIMS pour un certain nombre d’études écologiques et géologiques.
Dans cette étude, les chercheurs ont combiné NanoSIMS avec le marquage des isotopes stables pour visualiser les variations isotopiques au sein des tissus à haute résolution, fournissant ainsi des informations sur l’activité métabolique des compartiments cellulaires et des organites individuels. Ils ont combiné cela avec la microscopie électronique pour « voir » plus d’informations à partir d’échantillons biologiques.
Pour modéliser la maladie de Parkinson, l’équipe a utilisé des rats génétiquement modifiés qui surexprimaient l’alpha-synucléine humaine dans un hémisphère du cerveau, laissant l’autre en bonne santé comme témoin. En comparant les neurones surexprimant l’alpha-synucléine à ceux de l’hémisphère contrôle, les scientifiques ont découvert des changements significatifs dans la manière dont les molécules de carbone sont incorporées et traitées dans les neurones.
L’une des découvertes les plus remarquables a été l’effet de l’alpha-synucléine sur le renouvellement du carbone dans les neurones. Les neurones surexprimant l’alpha-synucléine ont montré un renouvellement global accru des macromolécules, ce qui suggère que l’accumulation d’alpha-synucléine pourrait entraîner une augmentation des demandes métaboliques sur ces cellules.
L’étude a également révélé des changements dans la répartition du carbone entre différents compartiments cellulaires, tels que le noyau et le cytoplasme, qui pourraient être influencés par l’interaction de l’alpha-synucléine avec l’ADN et les histones.
Les perturbations métaboliques provoquées par l’alpha-synucléine semblent également affecter des organelles spécifiques : les mitochondries, par exemple, ont montré des schémas anormaux d’incorporation et de renouvellement du carbone, ce qui est en accord avec des études antérieures montrant que l’alpha-synucléine altère la fonction mitochondriale. De même, l’appareil de Golgi – responsable du trafic et de la communication cellulaire – présentait des défauts métaboliques probablement causés par l’alpha-synucléine perturbant la communication inter-organite.
« Cette étude montre le potentiel de la technologie NanoSIMS pour révéler les changements métaboliques dans le cerveau, avec une résolution sans précédent, au niveau subcellulaire », explique Bernard Schneider. « Cela nous donne un outil pour étudier les changements pathologiques précoces se produisant dans les neurones vulnérables en raison de l’accumulation d’alpha-synucléine, un mécanisme directement lié à la maladie de Parkinson. »
Autres contributeurs
- Département des Sciences de la Terre de l’Université d’Utrecht
- Centre d’analyse avancée des surfaces de l’Université de Lausanne